bois scié. Selon Tomohiro Kubo , un peu moins de 60 % des bâtiments résidentiels japonais sont construits en bois. Tomohiro Kubo est Directeur de la division des produits en bois chez ITOCHU Kenzai, une société spécialisée dans les matériaux de construction. « Le bois est bien adapté aux quatre saisons du Japon : l’été est chaud et humide ; l’hiver est sec et froid. Les Japonais aiment le bois, car ce matériau crée une atmosphère chaleureuse, apaisante et relaxante », explique-t-il. Avec le vieillissement de la population japonaise, le marché de la construction ne devrait pas connaître de croissance exceptionnelle, mais Tomohiro Kubo estime que les perspectives sont stables. Cette situation est également due au fait que, compte tenu des conditions environnementales au Japon, la durée de vie d’une maison en bois traditionnelle est d’environ 30 à 40 ans, après quoi une nouvelle maison est construite. Si l’industrie du meuble était auparavant un secteur important au Japon, elle s’est aujourd’hui principalement délocalisée vers des pays moins chers comme la Chine et le Vietnam. Alors que 43 % du bois est utilisé dans la construction au Japon, l’ameublement ne représente actuellement que 5 %. « On observe une tendance croissante en faveur des produits en lamellé-collé et du bois scié industriellement sur mesure, au détriment de la construction locale. Le bois utilisé suit ainsi des normes de qualité encore plus élevées. » Le Japon fait partie des pays les plus forestiers au monde, mais s’appuie encore largement sur le bois importé. Situées pour la plupart à flanc de montagne, sur des terrains escarpés, les forêts ne sont pas gérées et leur abattage coûte cher. « Ces dernières années, le gouvernement a encouragé et soutenu l’utilisation des forêts. L’objectif est d’atteindre 50 % d’autosuffisance forestière d’ici 2025, contre 30 % aujourd’hui. Mais pour cela, le gouvernement doit soutenir l’industrie. » Avec la flambée qui a débuté aux États-Unis, le prix du bois scié a même doublé au Japon. Les importations en provenance d’Europe sont privilégiées en raison des normes de qualité plus élevées et de la promesse d’un approvisionnement et de prix plus stables. « Historiquement, le bois scié était trop bon marché. Espérons que les prix resteront un peu plus élevés qu’auparavant », commente Tomohiro Kubo. •
LA VITESSE DE LA REPRISE EST ESSENTIELLE Si la crise du Covid-19 a fait moins de dégâts que ce que l’on craignait sur le marché du bois scié en Europe, nous attendons de voir à quoi ressembleront ses séquelles. « On ignore toujours comment le plan de relance de l’UE sera mis en œuvre, comment l’économie sera stimulée et quelle incidence cela aura sur la construction », commente Antti Koskinen , Consultant sénior chez AFRY. En Europe, environ 70 % du bois scié est utilisé dans la construction. L’emballage représente un peu plus de 10 %. Le reste du bois scié sert au travail du bois et à l’ameublement. « Le secteur de la construction est sensible aux fluctuations économiques et de nombreux changements internes sont en cours. Pendant la pandémie de Covid-19, les projets de rénovation et de DIY ont connu une popularité surprenante au sein des ménages. » Pour les années à venir, on s’attend à ce que la construction progresse à un rythme de quelques pour cent par an, ce qui se reflétera dans la demande de bois scié. La flambée de la demande et des prix en Amérique du Nord a également tiré vers le haut, de façon dramatique, les prix du bois scié en Europe : les marchés fonctionnent à l’échelle mondiale et les scieries européennes ont commencé à se concentrer sur les exportations vers l’Amérique du Nord. Selon Antti Koskinen, les prix ont tendance à baisser assez rapidement après les pics initiaux. « Espérons que la baisse des prix se fera de manière contrôlée, car les scieries ont souvent du mal à faire face aux chutes de prix brutales. » Les dommages provoqués par les insectes à cause du réchauffement climatique se sont produits en Europe centrale et même jusque dans le sud de la Suède. Des tentatives sont entreprises pour limiter les dégâts causés par l’abattage, provoquant l’arrivée sur le marché d’une grande quantité de bois bon marché de mauvaise qualité. Les questions liées à la durabilité et au climat gagnent en importance en Europe. Au moins en termes de comportements, cela rend la construction en bois plus populaire, même si le changement n’est pas encore visible dans la réglementation. LA CONSTRUCTION BOIS SE TRANSFORME AU JAPON Le Japon possède une longue tradition dans la construction en bois, et c’est de loin l’application la plus importante du
En Amérique du Nord, la démarche éco-responsable concerne également l’origine du bois.
également une utilisation accrue du bois dans la construction de tours, tandis que de nouveaux sites de fabrication de panneaux composites à partir de bois lamellé croisé (CLT) voient le jour en Amérique du Nord. « À en croire les statistiques, la construction résidentielle est en hausse. Avec le télétravail et l’école à la maison, les gens veulent quitter leurs appartements de centre-ville au profit de maisons individuelles plus spacieuses », explique Russ Taylor. En Amérique du Nord, la démarche éco-responsable concerne également l’origine du bois. Les grands distributeurs sont nombreux à exiger des produits à base de bois bénéficiant de divers certificats environnementaux (FSC®, PEFC™, SFI®). LA CHINE VERRA-T-ELLE LE PRIX DU BOIS SCIÉ AUGMENTER ? De tous les marchés du secteur forestier, la Chine est celui qui dépend le plus des importations. Ces importations se répartissent toutefois en catégories très différentes : le bois de grumes de qualité inférieure à la moyenne est importé en Chine et atteint les scieries locales lorsqu’elles ont besoin de bois scié de construction. Au lieu d’être utilisé dans la construction chinoise, le bois scié sert, par exemple, à fabriquer des moules coulés pour le formage du béton. Cependant, le bois scié de meilleure qualité, qui est requis pour l’industrie du meuble, est de plus en plus importé depuis l’Europe. « Seuls 45 % du bois utilisé en Chine sont produits localement. Avec une part de 55 %, le bois importé comprend le bois scié, les grumes, la pâte et le papier », détaille Russ Taylor. Jusqu’à la pandémie, le prix du bois scié en Chine était inférieur d’environ 20 à 30 % à celui en Amérique du Nord. La demande mondiale a tellement progressé que
Russ Taylor table sur une hausse des prix, au point que certains produits en Chine finiront par se rapprocher des prix du marché mondial. « Après la crise financière mondiale de 2009, le monde entier espérait que la Chine achèterait ses produits, même à bas prix. L’économie fonctionne mieux désormais, et aux alentours de 2025, la Chine pourrait avoir à payer un prix similaire ou supérieur au tarif mondial pour importer des grumes ou du bois de charpente. Si la Chine a été le premier pays touché par la crise de la Covid-19, elle a subi moins de dommages économiques que le reste du monde. » « Après le pic de reprise, on estime que l’économie chinoise progressera à un taux annuel assez élevé de 5 % au cours des cinq prochaines années. Cependant, les exportations chinoises sont à la peine, en particulier les exportations de meubles soumises à des droits d’importation et à des réglementations anti-dumping. Avec la croissance économique, le niveau de vie s’améliorera assurément et une part encore plus importante de la production sera consommée dans le pays. » Selon Russ Taylor, les Chinois ne se préoccupent pas encore de l’origine du bois qu’ils utilisent. Ils devront commencer à s’y intéresser s’ils veulent exporter leurs produits à base de bois dans le reste du monde, mais les exportations ralentissent. « La Chine protège activement ses propres forêts, sur lesquelles repose moins de la moitié de sa propre production. À mon avis, la Chine prévoit d’utiliser du bois importé provenant du monde entier jusqu’à ce que l’offre de bois bon marché se tarisse. À ce moment-là, les Chinois auront de plus en plus de plantations forestières à leur disposition ; ils pourront alors utiliser ce bois de multiples façons et gagner en autosuffisance. »
Antti Koskinen Consultant sénior chez AFRY Management Consulting. Suit l’industrie forestière depuis plus de deux décennies.
Tomohiro (Tom) Kubo Directeur de la division des produits en bois chez ITOCHU Kenzai, société spécialisée dans les matériaux de construction.
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